Le Train Renard est un train routier à propulsion continue dont le brevet fut déposé en 1903 par Charles Renard en 1903. Certains de ces trains Renard étaient encore en service au début des années 20. Vous trouverez ci-dessous un article issu du Mois Littéraire et Pittoresque de 1906 qui en donne une description assez complète. La source de ce document est Gallica de la BnF. A la suite de cet article de 1906, vous trouverez quelques informations complémentaires sur les heurs et malheurs des trains Renard trouvés sur d’autres sources internet. Les photos sont issues de Gallica et de Wikipedia.

Actualités scientifiques : Le Train Renard
(Le Mois Littéraire et Pittoresque)
Jusqu’à ces dernières années, les charmes-parfois un peu rudes- des voyages en automobiles semblaient réservés aux gens fortunés et, malgré la guerre faite aux chauffeurs qu’hypnotise la vitesse et dont les véhicules causent trop souvent la mort de paisibles passants, les « bandits de la route » tenaient seuls le haut du pavé. Mais tout se démocratise aujourd’hui et, grâce au train qu’imagina le colonel Renard, les piétons pourront à leur tour s’offrir, à peu de frais, un tel luxe.

Les transports automobiles, à vitesses moyennes, de voyageurs ou de marchandises, par voitures isolées, se heurtent à des difficultés techniques considérables. L’emploi de la vapeur conduit à des poids trop lourds : 7 à 8 tonnes pour 20 personnes. Les tracteurs Scotte, par exemple, ne s’utilisent guère que dans l’armée ou les exploitations industrielles. D’autre part, les frais de combustibles et d’entretien du matériel sont fort élevés dans les voitures à pétrole. A la vérité, ces inconvénients disparaissent avec la traction électrique par fils aériens. Mais l’alimentation d’une voiture pouvant se mouvoir librement sur la chaussée est chose peu commode, bien que M. Lombard-Gérin ait trouvé une élégante solution au problème. Ce système, mis au point par la Compagnie de traction par trolley automoteur, fonctionne, en France, de Fontainebleau à Samois, ainsi que dans les villes de Montauban et de Marseille. Les omnibus employés sont à 20 places, pèsent à vide 3 tonnes et, en charge ordinaire, 4 tonnes, soit une tonne par roue ; ils marchent à raison de 14 kilomètres à l’heure, vitesse qu’on ne saurait dépasser sans danger et ils ne consomment pas plus d’énergie qu’un tramway sur rails. Le coût d’établissement d’une telle ligne ressort à 10 000 francs le kilomètre et un omnibus tout équipé coûte 17 000 francs environ.

Les trains routiers paraissent avoir une supériorité sur les véhicules automoteurs isolés, aussi bien pour le transport des voyageurs que pour celui des marchandises. Ils détériorent peu les routes, car la charge se trouve mieux répartie. En outre, un seul mécanicien et un seul moteur suffisent pour tout un convoi. Cependant, avec les trains ordinaires, constitués par une automobile de tête remorquant plusieurs wagons, il faut, pour éviter le patinage, augmenter l’adhérence du tracteur de tête et, par suite, son poids. Pratiquement, une automobile ne saurait traîner, sur une voie moyennement accidentée, un poids notablement supérieur au sien. Le tracteur doit donc peser à lui seul autant que l’ensemble des voitures attelées à sa suite : d’où dépense considérable pour remorquage du poids mort et usure rapide de la chaussée.

Un second ennui réside dans le ripage latéral des véhicules remorqués. Expliquons-nous. Lorsque les routes présentent des coudes brusques, les voitures, par suite de la traction oblique qui s’exerce entre elles, ne suivent plus exactement (comme dans la marche en ligne droite) le même chemin que l’automobile de tête ; elles cherchent à s’échapper par la corde de l’arc qu’elles devraient décrire normalement à la suite du locomoteur. L’inclinaison de la voie ou la boue qui recouvre parfois le sol accentue cet inconvénient. Les trains routiers ordinaires demandent donc des voies larges, à faibles pentes et à grands rayons de courbure, ce qui ne se rencontre pas partout, même dans notre pays, si favorisé pourtant sous le rapport des routes.

Le train Renard ne présente pas les défauts ci-dessus, grâce à deux principes nouveaux découverts et appliqués par le regretté colonel : la propulsion continue et le tournant correct.
L’automobile de tête n’est pas un véritable tracteur, mais une « usine d’énergie », pourvue d’un moteur à vapeur ou à essence assez puissant pour entraîner tous les wagons à la vitesse voulue. La force engendrée par cette machine se trouve distribuée proportionnellement à chacune des voitures et employée à actionner une paire de roues de manière que chaque véhicule est lui-même « moteur ». L’avantage d’une telle disposition saute aux yeux. L’adhérence n’est pas due seulement au poids de la première automobile, mais aussi à celui de tous les autres. Par conséquent, on peut faire ce tracteur aussi léger qu’un véhicule quelconque, et un semblable train monte les rampes accessibles aux automobiles isolées sans qu’aucune des voitures le composant ait un poids exagéré. Ainsi, dans le train Renard réalisé pour les essais de début, l’automobile de tête, pourvue d’un moteur à essence de 50 chevaux, ne pesait qu’une tonne et demie et suffisait à fournir l’énergie nécessaire à la traction d’un train mixte (voyageurs et marchandises), formé de 8 véhicules légers portant une charge utile de 10 tonnes (10 000 kilos) et marchant à 18 kilomètres à l’heure. La transmission de la force du moteur aux diverses voitures s’effectue au moyen d’un organe dit boîte de mécanisme que porte chacune de celles-ci. Un arbre longitudinal règne d’un bout à l’autre du convoi ; il est articulé de façon à permettre à l’ensemble d’épouser les courbes les plus sinueuses, et grâce à des joints à la Cardan le mouvement se transmet sans altération. Les véhicules se relient par des portions aisément démontables de manière à faciliter leur réunion ou leur séparation. Sous chacun d’eux, des engrenages transmettent le mouvement de rotation de l’arbre à un différentiel qui actionne une paire de roues.

La suite de cet article dans quelques jours….