Philippe Valton a reçu le titre d’ambassadeur du TCC pour l’année 2026 et nous avons l’habitude de vous faire une présentation au travers d’un article de la « vocation automobile » de notre nouvel ambassadeur. Voici celle de Philippe.

Philippe tenant le trophée avec les noms des ambassadeurs depuis la création de ce titre en 1989. Les premiers ambassadeurs du TC étant Ken Cooke et David Edroff.
C’est Philippe qui a dirigé le texte qui suit :
Les voies qui mènent à la voiture ancienne sont multiples et pourraient faire l’objet d’une étude.
Né en 1958, je suis un enfant des 30 Glorieuses et du babyboom. Fils et petit-fils de commerçants, nous faisons partie de la classe moyenne. Nous ne manquions de rien, mais on nous laissait le temps de désirer l’objet souhaité ! Pas de clic internet à l’époque.
Mon père et mon oncle ont accumulé, entre autres, leur vie durant des jouets, devenus anciens avec le temps. Leur grenier était une ville en carton et ils confectionnaient ce qui leur manquait. J’ai eu droit très jeune aux Dinky Toys, Norev et autres qui garnissaient les vitrines d’une dizaine de magasins à Saint-Omer. Je les ai toujours, de même qu’une P60 à pédales qui attend encore sa restauration. Mon oncle est décédé très jeune, laissant l’amorce d’une collection de voitures miniatures que j’ai eu à cœur de poursuivre. Sur la boîte de la Bugatti Royale Solido, j’ai découvert que Bugatti était une marque française. La passion pour l’histoire de l’automobile était née. Les ouvrages en Français se comptaient sur les doigts des deux mains, les recherches se faisaient dans les revues, les Tiroirs de l’Inconnu de Pozzoli. J’ai donc appris par petites couches successives.

Echelle 1, c’était encore « l’époque de la bagnole ». Je débutais avec la 11CV et la P60 (lustrée miroir) de mes grands-pères. Pour papa, quatre roues, un moteur et un coffre suffisaient et la première voiture familiale fut une Fiat 600D, en 1961 (8961EV62). Elle nous conduisit dans le Jura et à Blois. La Fiat avait été achetée chez mon grand-oncle, concessionnaire Simca à Aire-sur-la-Lys, après avoir été agent Chenard et Walcker et Donnet (mon grand-père, habitant Saint-Omer, devait demander une dérogation pour acheter ses Aronde à Aire hors secteur pour lui. Les visites au garage étaient un évènement et j’en ramenais catalogues et gadgets publicitaires. Une Simca 1000 suivit en 1966, puis une 1301 LS en 1970.

La Facel III de Philippe lors du prologue du Tour de France à Calais en 1994.
Quand les camarades de collège nous relataient des vacances lointaines et méditerranéennes, nos séjours en Bretagne nous rendaient modestes mais je réalise aujourd’hui les exploits paternels, comme ces vacances à Hossegor à cinq dans la Simca 1000 (28CV), tirant la remorque Lama, 2 jours pour l’aller et 2 pour le retour, par les nationales ! Sans oublier le charme indéniable du « skaï sauvage » rouge sous le soleil landais.
J’ai rapidement été en charge des « road-books » de vacances qui passaient, comme c’est bizarre, par Clères, le Bec Hellouin, Desbordes à Rennes, occasions de visiter un musée automobile.
Vint le jour du permis, un 24 décembre, cela ne s’invente pas (je crois toujours au Père Noël) suivi quelques jours plus tard par une ascension du mont Cassel en Simca 1000, un soir de décembre, talonné par un semi sans remorque.
Le contrôle technique n’était pas encore de mise et c’est une crevaison qui révéla l’état de corrosion de la Simca 1000, remplacée par une alerte Autobianchi A112E (pas Abarth hélas) rouge Actinie qui me fit mes années d’étudiant. Je m’étais destiné à la pharmacie et un ministre s’avisa de trouver injuste le sursis octroyé aux étudiants des professions médicales (aucune base ou caserne n’était un désert médical et l’armée regorgeait de jeunes diplômés payés 660 F par mois), il s’entêta et nous fit faire quatre mois de plus portant notre temps à 16 mois. Cela ne dura pas, le temps qu’il réalise que les quatre mois supplémentaires étaient payés 7500F par mois, quatre mois qui me constituèrent une trésorerie dans un objectif bien précis : acheter une ancienne.
Premier râteau sur une annonce de Vedette V8, deuxième sur une Présidence, avant que Monsieur Rocher ne me rappelle qu’il avait toujours sa voiture et qu’il la vendait.
VRP de père en fils, il parcourait la France entière avec une succession de voitures hors du commun et des motorisations très imaginatives pendant et juste après la guerre. J’ai les photos. Il venait deux fois l’an présenter sa marchandise chez ma grand-mère et sa voiture n’était jamais loin du magasin, objet d’une pause admirative : une Facellia beige remplacée en 1964 par une Facel III rouge. Je n’en ai connu qu’une autre à Saint-Omer, un coupé Facel 6 bleu qui appartenait au fils du garage Volvo poids lourds. André Rocher avait connu Chiron ; René Vincent et bien d’autres. Il m’a prêté ou donné des documents extraordinaires et voilà que la Facel III, arrêtée en 1972, devait libérer le garage où elle était stockée.

La Facel III à sa livraison à ses premiers propriétaires en avril 1964. Evolution de la Facellia avec un moteur Volvo pour effacer les déboires du Pont à Mousson

La Facel III lors de son achat le 30 Avril 1983 après 10 ans d’hibernation
Un J9 avec plateau assura le rapatriement depuis la région d’Auxerre. La Facel fut remise sur roues pour participer au Wissant-Audruicq (le dernier de Georget Roussel qui gravit les pentes du Blanc-Nez en Kégresse) suivi de la ronde de l’Houtland 1983 (j’ai toujours l’assiette remise par Francis Dagniaux). Y participaient Eric Bancquart, Pascal Rousselle et bien d’autres.


Audruicq était aussi le lieu de mon premier emploi salarié et je fus démarché par un monsieur en costume blanc, directeur d’école, nommé Guy Manier : le doigt était mis dans l’engrenage infernal.
Le siège du club était alors le Café de l’Harmonie près de la Poste de Calais. Le club vivait de ses cotisations et surtout de la vente de « cases » pour la dinde de Noël…. jusqu’au jour où nous nous vîmes proposer d’organiser le salon du Poids Lourd. Changement de planète (plus de 50 salons et bourses depuis 1984). Le deuxième salon du Poids Lourd voit la venue de Max Meynier… c’est la foule.

De cette époque, je garde le souvenir de grandes rencontres avec les pionniers de la collection : Auguste Delicourt, Claude Caron, Michel Denquin, Emile Gossart. Chez Facel, j’ai pu côtoyer à plusieurs reprises le fondateur de la marque, Jean Daninos.

Le Wissant-Audruicq étant très codifié, nous avons lancé les 2 Caps en 1987, puis les avant-guerre, le jumelage avec le 750MC… Nous avons été invités à la course de côte de Licques, deuxième temps avec la Facel (1’07) entre l’Austin Healey de Gilbert Avon allégée au maximum pour l’occasion et le camion d’Yves Alain Jouan : une Jaguar MKVII au moteur XK vainqueur du Mans !

Devenu bisannuel, le Salon du Poids Lourd laisse la place à quelques salons plus ou moins cocasses avant de devenir une bourse des collectionneurs en 1992 et la bourse telle que nous la connaissons aujourd’hui en 1994 et dont il me faut assurer une certaine paternité.
Tout cela sans aucune connaissance en mécanique, avec deux mains gauches. Il a fallu aussi composer avec la vie de famille et la vie professionnelle, mon épouse a mis un certain temps à accepter cette passion, mais fut vite convaincue par les amitiés qu’elle engendrait.
La retraite venue, j’ai le plaisir de pouvoir participer à plus de sorties et de partager davantage la vie du club. La Facel n’étant plus fiable et nécessitant une restauration longue et coûteuse, n’intéressant pas les enfants j’ai passé la main (elle est à Tardinghem et va bientôt ressortir). Certes ma Mercedes fait bien jeune, mais c’est une monture fiable qui peut aussi nous emmener en vacances. D’autres voitures sont bien désirables et je ressens parfois une « certaine pression » pour acheter une avant-guerre. Ne présageons pas de l’avenir.

La passion c’est ce grain de folie qui vous empêche de devenir fou pour de bon.











